Il est là, devant toi, à la
fois fort et puissant, semblant te barrer l’accès. Accès à quoi ? Tu ne le
sais pas encore. Pour l’instant, seul compte cette silhouette sombre, massive
qui provoque en toi ce sentiment de terreur.
Face à cette peur, tu as
plusieurs choix :
Tu peux décider de t’enfuir, de
faire demi-tour, de revenir sur tes pas et faire comme si tu n’avais jamais été
aussi proche de ton but. Faire comme si tu n’avais pas abdiqué, renoncé face à
quelque chose de si grand et de si effrayant que tu ne t’es pas sentie à la
hauteur, tu ne t’es pas sentie en capacité de dépasser cette peur, de porter un
autre regard sur elle. Tu peux choisir de renoncer mais ce faisant, ne prends-tu
pas le risque de t’en vouloir de ne pas avoir osé ?
Tu peux décider de te battre,
de prendre cette peur à bras le corps, de mobiliser toute l’énergie de ton être
dans un combat à mort. Soit tu la détruits, soit elle te détruit. C’est elle ou
toi et dans cette vision duelle, tu ne laisse pas la place à autre chose. L’un
des deux doit mourir pour que l’autre vive, s’épanouisse et s’autorise à
remplir tout l’espace de ce qu’il est. Tu peux faire le choix de te battre mais
alors, seras-tu celle qui triomphe ou celle qui meurt ? Et si tu fais ce
choix et que tu triomphes, comment te sentiras-tu en étant dans la conscience
que pour vivre, tu as dû terrasser l’autre ?
Tu peux décider de rester là,
sur place et observer ce qui est face à toi, immense et terrifiant. Tu peux
choisir de rester là, à contempler ce qui est devant toi comme si tu le voyais
pour la première fois. Juste regarder ce qui est là, même si la peur te fait
ressentir plus forts les battements de ton cœur. Tu sens un nœud au creux de
ton ventre et le sang battre plus fort au niveau de tes tempes. Sentir en ton
corps toute cette vie qui bouillonne te permet de te sentir à la fois plus
puissante et plus calme, de ce calme d’où émane une ferme résolution. Alors tu
peux juste regarder, comme un temps d’apprivoisement, un espace où tu peux
contempler sans te laisser envahir par de sombres pensées. Tu es juste
présente, prête à accueillir l’autre non pas à partir de tout ce que tu te
racontes depuis toujours mais à partir de ce qui est là.
Subtilement, quelque chose
change dans ta perception de ce qui est face à toi. Quelque chose se
transforme. La silhouette tout à l’heure si imposante, si terrifiante semble se
dégonfler, diminuer pour finalement t’apparaître comme tellement petite que tu
ne peux plus douter de son inoffensivité. Alors, tu ris, non pas de soulagement
mais plutôt de la joie de ce que tu découvres de merveilleux, jadis caché par
l’ampleur de cette peur qui te barrait l’accès. Tu ris de voir jaillir cette
lumière si pure, si chaude qui se manifeste comme surgi des ténèbres.
Tu as vaincu le gardien du
seuil, non pas dans un combat à mort où tu l’aurais anéanti mais en lui faisant
face, en lui faisant place, en l’accueillant tout entier, pleinement. Car il
n’a pas disparu, il est toujours là à veiller. C’est juste ton regard sur lui
qui a changé, transformant ce que tu croyais être un ennemi en un compagnon de
route au service de ton cheminement.